L'indicateur Lagunes Côtières est l'indicateur réglementaire mobilisé au titre de la Directive Habitats-Faune-Flore (DHFF, 92/43/CEE) pour évaluer l'état de conservation de l’habitat d’intérêt communautaire 1150-Lagunes côtières à l'échelle d'un site Natura 2000.
L'indicateur a été développé en 2013 par le MNHN (Unité PatriNat, ex-SPN) en collaboration avec le Pôle-relais lagunes méditerranéenne, le Conservatoire d’espaces naturels du Languedoc‐Roussillon, la Tour du Valat et l’Office de l’Environnement de la Corse (Lepareur et al. 2013) puis a été mis à jour en 2018 (Lepareur et al. 2018 ; Barré et al. 2020).
L'évaluation de l'état de conservation de l'habitat est structurée en l'évaluation de trois grands paramètres : la structure et le fonctionnement de l'habitat, les altérations qu'il subit et les évolutions de sa surface au sein du site.
L’unité d’habitat marin évaluée par l’indicateur est l’habitat d’intérêt communautaire «1150-Lagunes côtières» (DHFF, 92/43/CEE).
Au regard de l’interprétation nationale des Habitats d’Intérêt communautaire marins (de Bettignies et al. 2021) l’habitat 1150-Lagunes côtières peut inclure de nombreuses unités d’habitats de la typologie NatHab Atlantique (v3, Michez et al. 2019 ; description de l’habitat dans La Rivière et al. 2022) en fonction du contexte géomorphologique et physiographique local (voir les correspondances possibles).
L’indicateur peut contribuer à l'évaluation du type d’habitat des écosystèmes terrestres, côtiers et d’eau douce (Habitat d’Intérêt Communautaire selon la DHFF) listé au Règlement relatif à la restauration de la nature (Annexe 1, EU 2024/1991) :
- Lagunes côtières
Acquisition des données : suivi NATURA 2000 lagunes côtières Atlantique
Pour la fréquence d’échantillonnage, la périodicité des relevés d’indicateurs est laissée à l’appréciation du gestionnaire. En effet, le rythme de rapportage ne s’impose pas à l’évaluation à l’échelle du site qui est destinée à éclairer l’opérateur sur ses choix de gestion et à déclencher une éventuelle révision du document d’objectifs du site (plan de gestion). De plus, certains paramètres peuvent être relevés à des périodicités différentes.
Le protocole de terrain et les paramètres évalués sont différents pour la façade Méditerranée et pour la façade Atlantique.
Le protocole est détaillé pour les lagunes atlantiques dans le Guide d'application (Lepareur et al. 2018).
Lagunes côtières Atlantique : détail des 14 métriques
Les métriques, mesurées pour les lagunes en mer à marée pour la façade Atlantique (14 au total, appelées “indicateurs” dans le tableau ci-dessous) sont listées dans le Tableau 1.
Tableau 1 : Critères et indicateurs retenus pour l’évaluation de l’état de conservation de l’habitat « Lagunes en mer à marée (façade atlantique) ». Pour l’échelle, « lagune » = station ; Sous-type 1 : lagunes naturelles et sous-type 2 : lagunes aménagées (Lepareur et al. 2018).
Des notes sont attribuées selon les modalités des 14 métriques et sont détaillées dans le Tableau 2.
Tableau 2 : Tableau des critères, indicateurs, modalités et notes retenus pour les habitats Lagunes en mer à marée (façade atlantique). Sous-types : 1 = Habitat lagunaire en milieu naturel, 2 = Habitat lagunaire en milieu aménagé (Lepareur et al. 2018).
L’état de conservation (EC) est représenté par un gradient allant des états défavorables aux états favorables, l’état optimal souhaité étant l’état vers lequel on veut tendre à long terme, et l’état favorable choisi étant la cible opérationnelle du gestionnaire à court/moyen terme. La méthode évalue l’état de conservation par une note allant de 0 à 100. Des bornes de notation permettent de faire le lien avec des catégories d’état de conservation (état dégradé, altéré ou favorable) pour permettre de valoriser et communiquer sur l’évaluation.
- Du relevé à la note d’état de conservation :
Les données recueillies pour chacune des métriques sont comparées à des seuils pour lesquels une note est attribuée. Plus la modalité est mauvaise, plus la note est élevée. Lorsque la modalité est bonne la note est de 0. Ensuite, la somme des notes de chaque métrique est effectuée et est soustraite à 100. La note finale est reportée sur l’axe d’état de conservation (Figure 1).
Figure 1 : Axes de correspondance note/état de conservation (Lepareur et al. 2018).
- Des spécificités existent entre les deux façades :
ATLANTIQUE :
L’ensemble des critères et indicateurs s’évaluent soit à l’échelle du site, du polygone ou de la station.
- A l’échelle de la station :
Dans un premier temps, il faut évaluer l’état de conservation de l’habitat au niveau de la station via les paramètres « structure et fonctionnement » de l’écocomplexe et de l’habitat sachant que la majorité des indicateurs de ce dernier sont renseignés à cette échelle. Une évaluation locale peut donc être faite avec les notes pour chaque indicateur attribué à chaque modalité (Tableau 2). Les résultats ainsi obtenus peuvent être projetés sur l’axe de l’état de conservation en prenant en compte la fréquence des stations selon les notes attribuées pour l’ensemble du site ou pour chaque polygone cartographié (Figure 2). Les résultats peuvent également être cartographiés pour rendre compte des disparités spatiales et faciliter la mise en œuvre de certaines mesures de gestion. Les notes pourront faire l’objet d’une recalibration grâce à l’apport de données issues des retours d’expérience.
Figure 2 : Évaluation des stations d’échantillonnage (d’après Maciejewski 2012). Dans cet exemple, la plupart des stations ont une note en dessous du seuil choisi de l’état favorable choisi, la moyenne est donc en dessous de ce seuil (Lepareur et al. 2018).
- Passage de l’échelle locale (stations) à l’échelle du site :
Les paramètres « surface couverte » et « altérations » ainsi que les indicateurs se rapportant aux espèces exotiques envahissantes sont à prendre en compte à l’échelle du site :
- « Surface couverte » : par le biais de l’unique indicateur, l’évolution de la surface ;
- « Altérations » : par un système de points sommés. Avec 0 point pour la modalité optimum (vert) puis 1 pour la modalité orange et 2 pour la modalité rouge. Pour le cas où il a été identifié différents polygones d’habitat, ce système peut être utilisé pour chaque polygone et le résultat pour le site sera calculé en effectuant la moyenne des résultats de chaque polygone (voir Lepareur et al. 2018).
Les résultats des stations échantillonnées issus des paramètres « structure et fonctionnement » de l’habitat et de son écocomplexe peuvent être reportés à l’échelle du site selon des seuils de l’habitat en bon état de conservation (pourcentage de stations ayant des notes supérieures à « 70 » sur l’axe de notation) (Tableau 3).
Tableau 3 : Système de notation de l’état de conservation de l’habitat d’intérêt communautaire « Lagunes en mer à marée (façade atlantique) » à l’échelle du site Natura 2000 (Lepareur et al. 2018).
ATTENTION :
À la note générale de l’état de conservation du site peut s’ajouter un descripteur « Tendance de l’évolution des structures » pour les lagunes en marais aménagés. Cela permettrait d’observer, à l’échelle du site, une potentielle hétérogénéité des structures qui est intéressant pour l’écosystème lagunaire (« proxy » mosaïque/diversité d’habitats) ou au contraire une homogénéisation qui tendrai à diminuer l’intérêt écologique de ce dernier (Figure 3). Le but de ce descripteur n’est pas de déclasser l’état de conservation selon de la diversité structurelle du site Natura 2000, mais plutôt de mettre en alerte le gestionnaire d’une potentielle évolution des structures vers une homogénéisation et donc une perte de l’intérêt écologique même si l’état de conservation du site est jugé « favorable ».
Figure 3. Exemple d’évolution des structures des habitats lagunaires (représentés par le code couleur de l’état de conservation) vers une homogénéisation à l’échelle du site (rouge) (Lepareur et al. 2018).
L’indicateur est très complet mais nécessite l’acquisition de nombreuses données. Le protocole est complexe, lourd à déployer et nécessite une expertise avancée pour l’identification de la faune et de la flore. Le suivi d’une formation est nécessaire pour le déploiement et le calcul de l’indicateur.
L’analyse des altérations des lagunes est prise en compte dans le calcul de l’indicateur. L’indicateur est donc sensible à l’artificialisation des berges, la modification hydrologique, la contamination chimique, le changement de la qualité de l’eau, l’eutrophisation, l’enrichissement en matière organique et l’introduction d’espèces invasives (Lepareur et al. 2018).
Le protocole est complexe et nécessite un bon niveau d’expertise. Lorsqu'il prend en compte l'ensemble des métriques, l'indicateur est peu sensible à des pressions spécifiques. Pour évaluer les pressions, il est nécessaire de regarder spécifiquement les métriques concernées.
L’indicateur “Lagunes Côtières” décrit ci-dessus est la version 2. Des modifications ont été effectuées suite aux retours d’expériences de membres des COPIL et des experts scientifiques. Néanmoins, en fonction des indicateurs que le gestionnaire sera amené à évaluer, il est recommandé d’exprimer tout besoin d’expertise ou d’analyse pour recueillir un avis auprès d’experts scientifiques ou encore de l’Ifremer quand il s’agit d’évaluer l’état écologique d’une pièce d’eau et son fonctionnement hydrologique se trouvant dans le périmètre de la DCE.
Bien qu’il s’agisse de la seconde version, il est essentiel que ce guide soit appréhendé et éprouvé par les utilisateurs qu’elle vise à terme, les opérateurs Natura 2000 et plus largement les gestionnaires d’espaces naturels. Son application permettra ainsi de faire évoluer de nouveau la méthode si cela est nécessaire à partir des retours d’expérience, de méthodologies et techniques nouvellement employées en lagunes, afin de la rendre plus pragmatique, plus exhaustive et permettre d’apporter des éléments de réponse sur des points particuliers.
Un classeur technique a été publié pour les lagunes de la façade Méditerranée (Barré et al. 2020), il serait utile de réaliser le même document pour la façade Atlantique, Manche, Mer du Nord.