L’indicateur ABER (Algal Belts Estuarine Ratios) est l’indicateur réglementaire mobilisé au titre de la Directive Cadre sur l’Eau (DCE, 2000/60/CE) pour évaluer l’élément de qualité biologique « Macroalgues intertidales » sur la façade Atlantique, Manche, Mer du Nord pour les Masses d'Eaux de Transition (MET) estuariennes.
La méthode ABER a été développée par une équipe française (Ar Gall & Le Duff 2014, Laboratoire LEMAR, Institut Universitaire Européen de la Mer), pour les estuaires présentant à la fois des roches végétalisées et des vases indurées recouvertes par des banquettes à Vaucheria (Tribophyceae). Ainsi, l’indicateur est constitué de deux métriques : une métrique basée sur le rapport de couvert végétal entre les espèces de macroalgues rouges et brunes non opportunistes et les macroalgues opportunistes sur substrat rocheux, et une métrique basée sur la proportion de Tribophyceae (Xanthophyceae) et de Chlorophyceae par rapport aux Cyanobacteria au sein des banquettes à Vaucheria.
L’habitat marin susceptible d’être évalué par l’indicateur est, selon la Typologie NatHab Atlantique (v3, Michez et al., 2019 ; description de l’habitat dans La Rivière et al., 2022), le suivant :
- A1-5 - Roches ou blocs médiolittoraux avec fucales en milieu à salinité variable
L’indicateur peut également contribuer à l'évaluation des écosystèmes marins listés au Règlement relatif à la restauration de la nature (Annexe 2) pour le type d’habitat (EUNIS 2022) suivant :
- MA1 25 - Fucales sur roche médiolittorale en milieu à salinité variable en Atlantique
Acquisition des données : suivi des ceintures macroalgales des estrans estuariens
Les sites d'étude en estuaires doivent présenter de la roche en place ou des enrochements artificiels végétalisés et des vases consolidées indurées couvertes par des banquettes à Vaucheria. Seuls les peuplements en amont des roches végétalisées les plus internes des estuaires sont échantillonnés.
Moyens matériels : 1 grand quadrat 1,65 × 1,65 m, 3 petits quadrats de 33 cm × 33 cm, carnet de notation, 1 emporte-pièce, 1 GPS.
- Couverture des algues macroscopiques sur substrat rocheux :
Le protocole d'échantillonnage est comparable à celui développé pour les ceintures de macroalgues intertidales des MEC. Pour le suivi des fucales des hauts niveaux de l'estran des estuaires les trois ceintures Pelvetia canaliculata, Fucus spiralis et Ascophyllum nodosum + Fucus vesiculosus sont suivies. Les couvertures de macroalgues sont mesurées au niveau de trois points fixes de 1,65 m x 1,65 m par ceinture. Au sein de ces points fixes, trois quadrats aléatoires de 33 cm x 33 cm sont disposés. Au total, 9 quadrats et 0,9 m2 sont suivis pour chacun des trois niveaux bathymétriques. La couverture de chacune des espèces présentes dans chaque quadrat est évaluée à l’œil nu. La fourchette de recouvrement est la suivante : [0%-5%[, [5%-25%[, [25%-50%[, [50%-75%[ et [75%-100%[ (médianes 2,5%, 15%, 37,5%, 62,5% et 87,5%, respectivement, pour les calculs).
En fonction de la longueur et de la configuration de l'estuaire, cinq à dix points fixes sont repérés par GPS tous les 50 m en moyenne (25 à 100 m) en remontant vers l'amont, de préférence du même côté du cours d'eau (pour des raisons pratiques). Si possible, ces points sont fixes dans le temps, mais ils peuvent être changés en cas de modification importante des berges.
- Occurrence des macroalgues vertes et des Cyanobactéries dans les banquettes à Vaucheria :
Les algues présentes sous forme de masses filamenteuses vertes à la surface du substrat meuble sont prélevées à l’emporte-pièce (environ 2 cm de diamètre) dans chaque quadrat, à raison de 3 prélèvements (carottes ; utiliser un outil de type épépineur de pommes) par quadrat (environ 3 cm2 de tapis algal avec le moins possible de sédiment sous-jacent). Après ensachage et étiquetage, les échantillons sont ramenés au laboratoire pour observation au microscope, à raison de 3 préparations par prélèvement (observation de toute la préparation à l’objectif 20, après élimination optimale du sédiment). Les échantillons peuvent au besoin être stockés au congélateur avant identification.
L’occurrence des Vaucheria (filaments verts siphonnés), des Chlorophyceae (filaments verts cloisonnés) et des Cyanobactéries (en pseudo-filaments ou trichomes) est évaluée dans chaque préparation (dans sa totalité) d’après la surface occupée par chaque groupe taxonomique relativement à l’ensemble des trois groupes, au moyen de plusieurs champs successifs dans un plan entre lame et lamelle. L’expression de cette occurrence est notée sous forme de pourcentage relatif de Vaucheria, Chlorophyceae et Cyanobactéries (par exemple : 90 % Vaucheria, 9 % Chlorophyceae, 1% Cyanobactéries (au moins 1 trichome présent) ou 50% Vaucheria, 50 % Cyanobactéries, etc.).
Pour ces estimations une analyse d’image est effectuée avec le logiciel ImageJ 1.6.0_24 (Rasband W.S., National Institutes of Health, Bethesda, Maryland, USA, http://imagej.nih.gov/ij), car les spectres de couleur des Vaucheria, cyanobactéries et Chlorophycées sont suffisamment différents.
Couverture des algues macroscopiques sur substrat rocheux (Q)
Le calcul d’un indice Q (pour quotient) est effectué par ceinture et par quadrat, puis les valeurs sont groupées afin d’établir une moyenne par site. Un traitement statistique est ensuite possible.
Equation 1 : Q = (P + R / 100+O) x 100
Q est donné en unités de 0 à 100
Avec :
- P = couverture des Phaeophyceae, toutes strates confondues, en %, sans les opportunistes
- R = couverture des Rhodophyceae, toutes strates confondues, en %, sans les opportunistes
- P + R = somme de P et R, donc couverture des espèces dominantes des roches intertidales végétalisées des estuaires, somme limitée à 100% en cas de dépassement (cumul des strates)
- O = couverture des espèces opportunistes, toutes strates confondues, en %.
Si aucune algue brune ou rouge (non opportuniste) n’est visible, Q = 0 ; si la couverture en algues brunes et rouges (non opportunistes) est maximale (100 %) et si la couverture en algues opportunistes est nulle, alors Q = 100. Si O = 0, alors Q = P + R. Ainsi se trouve borné l’indice Q entre 0 et 100, avec des valeurs oscillant généralement entre 50 et 80.
Occurrence des macroalgues vertes et des Cyanobactéries dans les banquettes à Vaucheria (V)
La métrique (V) se présente comme un pourcentage moyen de 0 à 100 d’occurrence des Vaucheria (Xanthophyceae) et des Chlorophyceae dans les banquettes échantillonnées sur un site.
Ce pourcentage est généralement supérieur à 90% et peut atteindre 100%, ou descendre au-dessous de 70% dans les zones eutrophisées.
Les métriques développées sur les deux types de substrats sont agrégées, pour aboutir à l’indicateur ABER (Algal Belts Estuarine Ratios), d’après le calcul suivant :
Equation 2 : ABER = (Q + V) / 2.
L’indicateur ABER est exprimé en points et la note maximale théorique est 100. La note est divisée par 100 pour obtenir le RQE (Ratio de Qualité Ecologique). Le classement des MET pour l’élément de qualité « macroalgues intertidales » a été établi selon la grille de lecture suivante (Tableau 1).
Au niveau français, les valeurs de référence ont été définies à dire d’expert, comme étant égales à 100. Les classes d’amplitude ont été également définies à dire d’expert.
[La grille de lecture a été calibrée et est utilisée dans le cadre de l’évaluation réglementaire DCE.]
Tableau 1 : Classement des MET en fonction des seuils établis pour l’EQ « macroalgues intertidales », dans le cadre de la métrique ABER (MTES, 2018)
Protocole de terrain facilement déployable avec peu de matériel. Nécessite une expertise taxonomique sur les macroalgues. Se basant sur une liste fermée d’espèces, cette compétence d’identification peut être acquise avec une formation adaptée.
Les principales pressions anthropiques qui affectent l’indicateur sont les perturbations impactant l’hydrodynamisme et la courantologie, les rejets d’eau chaude, la turbidité, l’eutrophisation, les pollutions chimiques - pesticides, marées noires-, la pêche à pied professionnelle ou récréative, l’exploitation industrielle.
Une étude reste à mener pour développer un indicateur de pression adéquat et établir un lien entre pressions anthropiques et notes de l’indicateur.
Une intégration de la macrofaune associée aux communautés macroalgales serait un bon complément. La liste fermée doit être adaptée aux zones géographiques.
L’indicateur a été développé sur un nombre de sites limités en Bretagne et Normandie, une étude des incertitudes liées à l’indicateur devrait être effectuée. La grille de classement est cependant validée dans le cadre de l’exercice européen d’intercalibration.
L’indicateur est potentiellement sensible à des modifications environnementales liées au changement climatique, tels qu’une modification des régimes hydrologiques ou la prolifération de brouteurs.