L’indicateur AMBI (AZTI’s Marine Biotic Index ; Borja et al. 2000) appliqué au maërl, est un indicateur qui a été mobilisé dans le cadre de l'évaluation scientifique 2024 (cycle 3) du Bon État Écologique des bancs de maërl, au titre de la DCSMM (Tauran et al., 2022).
Cet indicateur permet de prendre en compte la diversité des taxa d’invertébrés benthiques et leur polluo-sensibilité face à un enrichissement en matière organique. Cette méthode permet de mettre en évidence un état de perturbation des communautés soumises aux pressions d'eutrophisation et de contaminants.
Les paramètres biologiques à prendre en compte pour l’évaluation écologique sont : la composition et l’abondance des taxa d’invertébrés, le ratio des taxa sensibles aux perturbations par rapport aux taxa insensibles et le niveau de diversité des taxa d’invertébrés.
Les unités d’habitats marins susceptibles d’être évaluées par l’indicateur sont, selon la Typologie NatHab Atlantique (v3, Michez et al., 2019 ; description de l’habitat dans La Rivière et al., 2022), les suivantes :
- B3-4 - Bancs de maërl sur sables grossiers et graviers infralittoraux
- B4-3 - Bancs de maërl sur sédiments hétérogènes envasés infralittoraux
L’indicateur peut également contribuer partiellement à l'évaluation des écosystèmes marins listés dans le Règlement relatif à la restauration de la nature (Annexe 2, UE 2024/1991) dans le Groupe de Types d’Habitat marin “4- Bancs de maërl” (Maerl beds).
Acquisition des données : prélèvements de maërl à la benne (macrofaune et sédiment)
Pour les sites en mer d'Iroise et de la rade de Brest, une seconde campagne d'échantillonnage est réalisée en automne dans le cadre du suivi de l’Observatoire de l'IUEM.
Moyens matériels : navire océanographique pouvant travailler en zone très côtière avec système de mise à l'eau de la benne, 1 benne de surface d’échantillonnage égale à 0,1 m² (benne Day, Smith-McIntyre ou Van Veen), cartes, données sonar ou Rox-Ann, données biologiques antérieures sur le banc, containers pour les échantillons, tamis de 1mm, formol dilué à 10 % avec de l'eau de mer, rose de bengale pour colorer la faune, table de tri, colonne de tamis AFNOR, étuve, four.
Avant d'effectuer les prélèvements une étape préliminaire est nécessaire qui consiste à cartographier la majeure partie des bancs de maërl. Ce suivi préliminaire sert à sélectionner les points de suivis dans chacun des sites. Cette étape est importante étant donné que de nombreux bancs présentent une structure discontinue. Les suivis cartographiques sont réalisés à partir de données acoustiques (sonar à balayage latéral) et données vidéos complétées par des prélèvements à la benne. Pour la partie Bretagne, cette étape a été réalisée par Grall & Hily (2002) puis par Hamon et al. (2010) et pour le secteur de Belle-Île par Dubreuil et al. (sous-presse).
- Macrofaune :
L’échantillonnage est réalisé avec une benne de surface d’échantillonnage égale à 0,1 m² (benne Day, Smith-McIntyre ou Van Veen). Pour chaque station, trois réplicats sont réalisés. Ainsi au sein de chaque site, neuf échantillons de 0,1 m² sont prélevés. Le contenu de la benne est déversé dans un conteneur étanche (ex : bac de criée). La benne doit au minimum pénétrer de 5 à 7 cm dans le sédiment. Le prélèvement est ensuite pris en photo avant son tamisage (maille de 1 mm, préférentiellement maille ronde). Lors du tamisage, le jet d'eau doit être dirigé indirectement avec une pression pas trop forte pour éviter d'endommager les spécimens. Le refus de tamis est placé dans des conteneurs étiquetés à l'extérieur et à l'intérieur (calques ou étiquettes plastiques) puis fixés au formol dilué à 10 %. Une coloration au rose de bengale peut être appliquée (200 mg/éch.) pour faciliter le tri en laboratoire. Le tri et l'analyse taxonomique sont effectués en laboratoire possédant l'assurance qualité (ISO/DIS 16665).
- Paramètres du sédiment (non pris en compte dans le calcul de l'AMBI) :
Les échantillons pour la granulométrie et le taux de matière organique (perte au feu) sont réalisés avec la même benne utilisée pour l’échantillonnage de la macrofaune. Un échantillon est prélevé par station soit trois échantillons par site.
Une première partie du prélèvement est utilisée pour l'étude de la granulométrie, réalisée après tamisage de l’échantillon sur une colonne de tamis AFNOR.
Une seconde partie est utilisée pour mesurer la teneur en matière organique du sédiment par la méthode de la perte au feu (à 450°C).
Les protocoles d’analyse de la granulométrie et de la teneur en matière organique du sédiment sont précisés dans Garcia et al. (2014).
Composition spécifique et abondance (relative et totale)
Après identification jusqu'à l'espèce, les données obtenues pour chaque campagne, chaque site, chaque station et chaque réplicat sont présentées sous la forme d'une matrice d'abondance (Tableau 1).
Tableau 1 : Matrice d’abondance obtenue après analyse des prélèvements de macrofaune.
A partir de la matrice sont calculés :
- La richesse spécifique (S) : nombre d'espèces par prélèvement ;
- L'abondance spécifique de chaque espèce identifiée ;
- L'abondance totale (N) d'individus dans chaque prélèvement.
Ces paramètres sont ensuite moyennés sur l’ensemble des prélèvements d’un site.
Composition granulométrique et taux de matière organique
Le pourcentage cumulé de chaque fraction sédimentaire pesée est calculé. Le profil granulométrique de chaque station est réalisé graphiquement en reportant les pourcentages cumulés.
Le taux de matière organique est mesuré en rapportant le poids des résidus après la perte au feu (450°C pendant 12h) au poids de sédiment séché avant le passage au four. Le rapport est exprimé en pourcentage. La mesure de taux de matière organique est réalisée en triplicat et la moyenne et l'écart type sont reportés.
Seules les espèces d'endofaune sont prises en compte dans le calcul de l'AMBI Maërl.
L’AMBI consiste en une somme pondérée de la proportion d’abondance (Equation 1) assignée à chacun des cinq groupes de polluo-sensibilité, avec une pondération qui augmente avec le niveau de perturbation associé au groupe (Tableau 2).
Equation 1 :
Avec : %GX : abondance relative des espèces appartenant au groupe X.
On peut consulter cette liste d’espèces sur le logiciel permettant de calculer les valeurs de l’indice (http://ambi.azti.es/index.php?lang=en).
Tableau 2 : Groupes écologiques de polluo-sensibilités différentes (MTES 2018 ; d’après Hily 1984).
[Ces valeurs seuils ont été établies lors des travaux scientifiques d’évaluation cycle 3 DCSMM (Tauran et al. 2022). Avant toute utilisation, il convient de contacter les auteurs.]
Les valeurs de l'AMBI sont comparées aux valeurs seuils pour définir l'état écologique (Tableau 3).
Tableau 3 : Seuils proposés pour l'AMBI adaptés à l'habitat maërl (Tauran et al. 2022)
L’AMBI appliqué au maërl répond bien aux pressions liées à l’eutrophisation (enrichissement en matière organique) et aux pollutions (Tauran et al., 2022).
Les données collectées pour le calcul de l'AMBI peuvent également servir au calcul du GPBI.
Si des données de vitalité du maërl sont acquises en parallèle, elles peuvent contribuer à l'interprétation.
Le protocole de terrain et de traitement des échantillons est lourd et chronophage. Le protocole impose le déploiement d'un navire avec mât de charge et plusieurs agents pour le maniement de la benne. L’identification de la macrofaune nécessite une expertise taxonomique avancée et le traitement du sédiment nécessite du matériel spécifique.
Seul le compartiment ‘invertébrés benthiques’ est évalué.
Permet uniquement d’évaluer l’impact de la pression d’eutrophisation (ne permet pas d'évaluer l'impact des pressions physiques).
La grille de lecture et les seuils associés sont issus des travaux scientifiques de l'Évaluation DCSMM cycle 3. Ils devront être validés lors des prochains cycles d’évaluation.
Il est apparu que les indicateurs couramment utilisés ne sont pour l’essentiel pas adaptés à l’étude d’un habitat aussi riche et complexe que le maërl (p. ex. : BEQI-FR, M-AMBI). Le GPBI (et dans une moindre mesure l’AMBI) est l’indicateur à privilégier pour évaluer l’état des bancs de maërl en se focalisant sur l’endofaune pour évaluer l’impact de l’eutrophisation et sur l’épifaune pour évaluer l’impact des activités de pêche.
Les perspectives de poursuite de ces travaux s'orientent vers une approche fonctionnelle par trait biologique qui permettrait en théorie de gommer au moins partiellement l’effet présence/absence d’espèces parfois abondantes en certains sites par rapport à d’autres. Les fonctionnalités de l’habitat doivent en effet être assurées partout où les bancs sont en bonne santé. Les différentes approches (structurelles et fonctionnelles) ne sont pas exclusives mais devraient être considérées comme complémentaires à terme.