L’indice CARLIT est l’indicateur réglementaire mobilisé au titre de la Directive Cadre sur l’Eau (DCE, 2000/60/CE) depuis 2007 pour évaluer l’élément de qualité biologique « Macroalgues de substrat dur » sur la façade méditerranéenne.
La méthode CARLIT a été développée par une équipe espagnole (Ballesteros et al. 2007, Centre d’Estudis Avanzats de Blanes - CSIC). Elle consiste à mesurer la distribution et l’abondance des communautés ou espèces de macroalgues dominantes des étages médio- et infralittoral supérieur, en fonction de la géomorphologie de la côte (morphologie, pente, orientation, exposition à la houle) et de la nature du substrat (naturel, artificiel, etc.).
L’indicateur CARLIT a évolué au cours du temps afin d’être amélioré et être plus pertinent face aux pressions anthropiques qui s’exercent réellement sur les communautés algales. Les modifications principales ont permis d’exclure les pressions liées à l’herbivorie ou à la montée des eaux qui ne sont pas liées à la qualité des eaux. La version présentée ici est celle publiée par Blanfuné et al. (2017a) qui prend en compte ces améliorations. Le protocole est décrit dans le rapport méthodologique de Blanfuné et al. (2017b)
L’habitat marin susceptible d’être évalué par l’indicateur est, selon la Typologie NatHab Méditerranée (v2, Michez et al., 2014 ; description de l’habitat dans La Rivière et al., 2021), le suivant :
Principalement :
- II.4. – Fonds durs et roches (du médiolittoral)
Et dans une moindre mesure à :
- III.6.1 – Biocénose des algues de l’infralittoral
L’indicateur peut contribuer à l'évaluation du groupe de types d’habitats des écosystèmes marins listé au Règlement relatif à la restauration de la nature (Annexe 2) :
- Forêts de macroalgues (en Méditerranée)
Acquisition des données : prélèvements et relevés pour le calcul du CARLIT
L’ensemble du littoral rocheux méditerranéen français, Corse incluse, est cartographié, ce qui représente plus de 4500 km de linéaire côtier à l'échelle 1/2500eme. Ce sont ainsi 40 masses d’eau qui sont évaluées via cet élément de qualité biologique au titre de la DCE.
Moyens matériels : embarcation légère, orthophotographie ou photographie aérienne, liste des espèces.
- Sur le terrain
Les relevés sont réalisés exclusivement in situ à partir d’une petite embarcation longeant les côtes au plus près du rivage (3m) et à faible vitesse (4-5 km/h) (Figure 1). La présence des différents types de communautés macroalgales est notée directement sur une orthophotographie ou une photographie aérienne. L’échelle de ces supports a été adaptée (1:2500) pour permettre la cartographie des petits tronçons. Un trait de côte nommé CARLIT, à l’échelle 1/2500ème, a été créé sur la base du trait de côte Histolitt® de l’IGN. La liste des communautés et espèces concernées a été déterminée par Ballesteros et al. (2007). De plus, une échelle de sensibilité écologique aux perturbations est établie pour chaque communauté avec un gradient allant de 1 à 20 en fonction de cette sensibilité. Les communautés ayant les niveaux de sensibilité les plus forts représentent les communautés les plus stables (climax) de la zone littorale. Cette liste a été mise à jour par Blanfuné et al. (2017a). Les caractéristiques géomorphologiques des secteurs étudiés sont également relevées en fonction des critères suivants : blocs naturels, côte basse naturelle, côte haute naturelle, blocs artificiels, côte basse artificielle, côte haute artificielle.
Figure 1 : Schématisation de la cartographie de l’abondance des communautés étudiées avec la méthode CARLIT (Blanfuné et al., 2017b).
- Au laboratoire :
Les informations, récoltées sur le terrain (communautés présentes, abondance, géomorphologie, nature du substrat, présence et sensibilité des espèces ou communautés algales d’intérêt et longueur de côté associée), sont transcrites sur un support cartographique géoréférencé dans un SIG. Le logiciel utilisé est ArcGIS. Chaque secteur investigué est ainsi caractérisé par la présence d’une espèce ou communauté macroalgale sur une longueur donnée, accompagnée de sa sensibilité et de sa typologie géomorphologique. Les longueurs sont exprimées en mètre. La précision de cette valeur peut être évaluée en connaissant la précision du pointé sur la couche de référence et celle de cette dernière. Dans le cas présent, la précision de la saisie des données sous SIG est de 2-3 mètres.
Les paramètres biologiques pris en compte pour l’évaluation écologique sont les suivants :
- Taxa d’algues macroscopiques sensibles aux perturbations liées à la qualité des eaux ;
- Abondance des communautés macroalgales.
Ces paramètres sont déclinés via trois métriques :
- Métrique 1 : longueur de côte occupée par chaque type géomorphologique (m) ;
- Métrique 2 : longueur de côte occupée par chaque type de communauté végétale dans chaque type morphologique (m) ;
- Métrique 3 : niveau de sensibilité de chaque type de communauté végétale (entre 1 et 20).
Un indice de qualité environnementale (EQ pour Environmental Quality) est calculé à partir de ces mesures par secteur de côte, défini par type morphologique homogène (six types morphologiques).
Avec :
- li = longueur de côte occupée par la communauté i pour un secteur de côte ;
- SLi = niveau de sensibilité pour la communauté i. Ici, i s'applique à la communauté végétale.
Ensuite, un EQR (équation 2), est obtenu en pondérant l'EQ (Équation 1) par une valeur d'EQ mesurée dans un site de référence (EQref) pour chacun des six types géomorphologiques.
Avec :
- EQssi = EQ dans le site étudié pour la situation i ;
- EQrsi = EQ dans le site de référence pour la situation i ;
- li = longueur de la côte étudiée dans la situation i.
Ici, i s’applique au type morphologique de la côte étudiée.
Soit EQR = Valeurs observées / Valeurs obtenues pour les sites de référence
Les EQ de référence calculés pour chaque type de morphologie de la côte sont les suivants (MTES, 2018).
Tableau 1 : EQ de référence pour chaque morphologie de la côte (MTES, 2018).
À partir des valeurs EQR calculées (valeurs comprises entre 0 et 1), un statut écologique est déterminé pour chaque masse d’eau.
[La grille de lecture a été calibrée et est utilisée dans le cadre de l’évaluation réglementaire DCE et DCSMM.]
La grille de lecture associant les EQR aux statuts écologiques est la suivante (Tableau 2).
Tableau 2. Classe des EQR et statut écologique associé (MTES, 2018).
Méthode non destructive et rapide à mettre en œuvre.
Absence de traitement d'échantillon.
Méthode surfacique donc plus représentative que les méthodes stationnelles.
Sensible aux pressions anthropiques qui modifient la qualité de l’eau (rejets turbides, apports en éléments nutritifs enrichissant les eaux, substances polluantes), ou provoquent des destructions ou modifications du substrat rocheux (aménagement du littoral) (Blanfuné et al., 2017a).
Besoin d’un site de référence pour chaque situation géomorphologique.
Développement du SIG long car il nécessite d’entrer toutes les situations géomorphologiques. Nécessite des compétences de géomatique.
Seules les zones médio- et infralittorale supérieure (frange littorale 0-50 cm) sont prises en compte (ceinture algale peu profonde).
La méthode pour le choix des stations de référence et le score de sensibilité des espèces dominantes peut varier entre les zones géographiques, donc l’application de l’indicateur CARLIT requiert des adaptations.
Cette méthode a été développée en Méditerranée Occidentale, avec une faible ampleur des marées. Dans des zones où les marées sont plus importantes, la méthodologie ne semble pas adaptée.
Le suivi mené dans le cadre de la DCE est réalisé en théorie tous les 3 à 6 ans, mais dans les faits la fréquence d’échantillonnage est très irrégulière avec des pas de temps supérieurs à 6 ans. Un renforcement de la fréquence de suivi pour les masses d’eaux dont l’indice montre un mauvais état ou un état dégradé permettrait d’améliorer le lien entre l’état et les pressions d’origine anthropique.