L'indicateur IVR (Indicateur Visuel de Retournement des blocs) permet de détecter rapidement la proportion de blocs mobiles "retournés" et "non retournés" à l'échelle d'un champ de blocs. Ce retournement peut être causé par des facteurs naturels liés à l'hydrodynamisme ou par des facteurs anthropiques généralement liés l'action de pêche à pied de loisir. L'IVR permet donc de détecter et d'évaluer une possible pression de pêche à pied à l'échelle du "paysage champ de blocs". Cet indicateur doit être couplé au QECB (Indice multivarié de Qualité Écologique des Champs de Blocs) et aux suivis de fréquentation et de comportement des pêcheurs à pied.
Il a été développé dans le cadre d'une thèse de doctorat à l'IUEM (Bernard, 2012) puis approfondi et généralisé dans le cadre du Life Pêche à Pied (Bernard, 2015) et enfin simplifié et élargi dans le cadre du projet EVALHABLOC (Bernard & Poisson, 2024).
L’habitat marin susceptible d’être évalué par l’indicateur est, selon la Typologie NatHab Atlantique (v3, Michez et al., 2019 ; description de l’habitat dans La Rivière et al., 2022), le suivant :
- A1-8 - Champs de blocs médiolittoraux
Habitat non inclus dans le Règlement européen sur la restauration de la nature.
Acquisition des données : suivi du retournement des blocs de champs de blocs
Moyens matériels : 5 fiches terrain IVR, cartographie de la station d'étude, 1 GPS, 1 quadrat de 25 m² (5 m × 5 m), 1 appareil photo, 1 plaquette, 1 crayon et 1 gomme, 4 piquets pour matérialiser le grand quadrat, 1 compteur à main pour dénombrer les blocs mobiles.
Un guide méthodologique de terrain a été développé pour aider à l’acquisition des données (Poisson, 2024).
Avant de mettre en œuvre le protocole, il est nécessaire d'effectuer une stratification de la zone d'étude. Celle-ci s'effectue en deux étapes :
- Repérer l'existence de différentes strates à l'échelle d'un site. Une strate peut ainsi correspondre à une zone de blocs mobiles de petite taille, ou encore à une zone de blocs très accolés, à une zone de blocs dominée par des blocs retournés, etc… Lorsqu’elles existent, les différentes strates repérées sont détourées au GPS et reportées dans la cartographie générale représentant la station d’étude champ de blocs.
- Répartir les 5 quadrats de 25 m² sur les différentes strates et proportionnellement à la surface occupée par chacune des strates (une grande strate peut par exemple accueillir 2 à 3 quadrats). Si le champ de blocs ne présente pas de stratification, alors les 5 quadrats sont répartis de façon homogène sur l’ensemble du périmètre de la station d’étude (Figure 1). Relever les coordonnées GPS du barycentre de chaque quadrat. Ils sont toujours replacés au même endroit à chaque session de suivi. Les 5 quadrats sont qualifiés de « permanents » car ils sont géoréférencés.
Figure 1 : Représentation schématique de l’étape de définition de l’emplacement des 5 grands quadrats de 25m² dans les différentes strates identifiées au sein de la station d’étude du champ de blocs (© P. Poisson ; Bernard & Poisson, 2024).
La mise en œuvre de l’Indicateur Visuel de Retournement se fait en plusieurs étapes :
- Positionner le grand quadrat de 25 m² (5m x 5m) à l’aide d’un GPS, sur l’un des 5 emplacements permanents définis au cours de l’étape de stratification de la station d’étude.
- Relever les coordonnées GPS du barycentre du quadrat si la position a changé par rapport à l’emplacement d’origine.
- Prendre en photo l’ensemble du grand quadrat avec le numéro du grand quadrat visible et précisé sur une ardoise : « Q1 » pour le quadrat 1 ; « Q2 » pour le quadrat 2 ; « Q3 » pour le quadrat 3 ; « Q4 » pour le quadrat 4 ; « Q5 » pour le quadrat 5.
- Décrire succinctement la strate dans laquelle se trouve le quadrat en se focalisant sur la nature de la roche, la nature du substrat sous-jacent, la taille moyenne des blocs mobiles et les couvertures floristiques et/ou faunistiques dominantes ( https://data-access.cesgo.org/index.php/s/hufdKOZ4FW9h4DP).
- Dénombrer le nombre de blocs mobiles qualifiés de « non retournés » et le nombre de blocs mobiles qualifiés de « retournés » à l’intérieur du grand quadrat. Seuls les blocs mobiles susceptibles d’intéresser un pêcheur à pied doivent être considérés, sont donc dénombrés uniquement les blocs dont la taille est supérieure ou égale à un format A5. Les blocs qualifiés de « fixés » ne sont pas dénombrés.
Pour déterminer si un bloc mobile est « non retourné » ou « retourné », les informations suivantes sont observées (Tableau 1).
Tableau 1 : identification de blocs mobiles “non retournés” et "retournés" (Bernard & Poisson, 2024).
BD ESTAMP est un outil d'accompagnement à la saisie, à la bancarisation, et à la diffusion de données écologiques et d'usage en zone intertidale. Toutes les données associées aux suivis des champs de blocs (suivis de fréquentation, comportementaux et écologiques) doivent être saisies dans les formulaires en ligne dédiés et peuvent ensuite en être extraites sous la forme de fichiers Excel.
Les dénombrements de blocs « retournés » et « non retournés » sont ensuite convertis en pourcentages qui permettent d’aboutir à la note d’IVR (Tableau 2).
[A ce jour (2024), les grilles de lecture ont été développées pour l’ensemble de la façade mais ne sont pas encore publiées dans les arrêtés réglementaires. Avant toute utilisation, il convient de contacter les auteurs.]
Tableau 2 : Les différentes valeurs de l’Indicateur Visuel de Retournement des blocs (IVR), les pourcentages de blocs mobiles « non retournés » et « retournés » et la description globale du champ de blocs associé (Bernard & Poisson, 2024).
Le protocole est simple à déployer mais une formation préalable est nécessaire pour la bonne réalisation. L’acquisition des données pour le calcul de l’indicateur est rapide (pas de retour terrain autre que la bancarisation).
La principale limite réside dans le fait qu’il est difficile de discriminer le retournement lié à l’hydrodynamisme local du retournement lié à la pêche à pied. La réalisation de 2 campagnes de terrain, une au printemps et l’autre à l’automne permet de mieux dissocier l’origine des retournements, naturelle ou anthropique. Une bonne connaissance du site de suivi par l’opérateur permet également de discriminer les deux pressions, environnementale et anthropique.
L’objectif de la prise de photographies en complément des relevés de terrain est d’acquérir des données sur les communautés faunistiques et floristiques sur un nombre plus élevé de blocs mobiles et fixés ou roches en place pour éviter de se baser sur les observations d’un unique bloc mobile et fixé ou roche en place au sein d’un grand quadrat. La perspective est de pouvoir mobiliser l’intelligence artificielle via la reconnaissance semi-automatique d’image pour transformer les données photographiques en données numériques.